Article rédigé par HAKIZIMANA Maurice
L’époux de cette sexagénaire est soupçonné de lui avoir administré de puissants anxiolytiques. Inconsciente, elle était ensuite violée par des inconnus, contactés sur internet par son mari. Les faits se sont déroulés plusieurs fois chaque année, durant une décennie. Une quarantaine d’hommes ont été interpellés dans le Vaucluse, le Gard, la Drôme, les Bouches-du-Rhône et en Dordogne comme le confirme une information du Parisien.
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Un agent de la police judiciaire, en septembre 2021. (DENIS CHARLET / AFP)
Viols en série pendant dix ans
Tous sont soupçonnés d’avoir participé à des viols en série sur une femme dans le Vaucluse. Pendant dix ans, cette sexagénaire a été droguée par son mari et livrée à des inconnus que celui-ci contactait sur internet. Inconsciente lors de ces violences sexuelles, la victime ne se souvient pas des faits en raison de cette “soumission chimique“, avance son avocate.Je vous résume ce que l’on sait de cette affaire.
Dominique Pélicot, “le violeur” le “monstre de Mazan”
C’est depuis 2010 et son mari filmait tout
Les faits ont duré dix ans. De 2010 à 2020,cet homme est soupçonné d’avoir soumis sa femme sexuellement à plusieurs dizaines d’inconnus, âgés de 24 à 71 ans. Selon les premiers éléments de l’enquête, cet artisan à la retraite, désormais âgé de 68 ans, postait des photos de sa femme droguée et inconsciente sur internet et organisait les passages des hommes dans la maison du couple, à Mazan, dans le Vaucluse. Le mari a filmé la totalité des viols de son épouse d’une soixantaine d’années, a expliqué à l’AFP le commissaire Jérémie Bosse Platière, de la police judiciaire d’Avignon.
Le mari utilisait de puissants anxiolytiques qu’il glissait dans les repas de sa femme pour la droguer. “Il la plaçait dénudée sur le lit et surchauffait la chambre pour éviter qu’elle se réveille”, a rapporté le commissaire. Les individus entraient alors à “pas feutrés” dans la pièce et “chuchotaient”. “Si la victime bougeait un bras, ils s’en allaient”, selon Jérémie Bosse Platière. “Il est rare d’avoir autant de preuves dans un dossier de viols.”Jérémie Bosse Platière, commissaire de la police judiciaire d’Avignon à l’AFP
Une quarantaine de personnes impliquées dans cette affaire ont pu être identifiées durant l’enquête de la police judiciaire d’Avignon, initiée en novembre 2020 par l’ouverture d’une information judiciaire.
Droguée et inconsciente la victime “ne s’est aperçue de rien”
“Tout est caractérisé, même si la victime, inconsciente durant les viols, ne se souvient de rien”, a par ailleurs expliqué le commissaire de la police judiciaire d’Avignon. L’avocate de la victime a également assuré à ma source que sa cliente n’avait gardé aucun souvenir des viols subis pendant cette dizaine d’années. La sexagénaire “ne s’est aperçue de rien”, relate Caty Richard. Cette dernière avance que sa cliente a été victime de “soumission chimique”. Il s’agit de “l’administration à des fins criminelles ou délictuelles de substances psychoactives à l’insu de la victime ou sous la menace”, rappelle l’Agence nationale de sécurité du médicament dans un rapport daté de 2016 (en PDF).
"Personne ne peut imaginer, quand on se couche dans sa maison, dans sa chambre, dans son lit, que lorsqu'on se réveillera le lendemain matin on y aura vécu des choses dont on n'aura aucun souvenir." Caty Richard, avocate de la victime à franceinfo
Gisèle Pélicot,la victime
Pour la victime, “la vie s’est arrêtée”, raconte encore l’avocate. “Le monde s’est arrêté de tourner. Tout ce en quoi elle croyait s’est effondré. C’était un cataclysme. Il faut imaginer que c’est du ressort de l’indicible, de l’innommable, de l’impensable, de l’inconcevable”, poursuit Caty Richard. La victime a depuis demandé le divorce, a déménagé et suit une psychothérapie, précise France Bleu Vaucluse.
Comment l’affaire a-t-elle été decouverte?
C’est un fait divers, survenu en septembre 2020, qui a permis de découvrir cette affaire. Surpris par un vigile, le mari avait été interpellé dans un magasin de Carpentras en train de filmer sous les jupes de clientes. “Les policiers ne se sont pas contentés de ses aveux, ils sont allés plus loin, ils ont perquisitionné chez lui et ont pris tout son matériel informatique”, expose l’avocate Caty Richard.
C’est en visionnant le contenu de son ordinateur saisi à son domicile que les enquêteurs ont découvert des vidéos montrant son épouse inconsciente violée par des hommes. Sur internet, ils ont également retrouvé des messages du mari postés sur des forums de rencontres libertines où il proposait à des personnes de venir profiter de sa femme.
C’est en visionnant le contenu de son ordinateur saisi à son domicile que les enquêteurs ont découvert des vidéos montrant son épouse inconsciente violée par des hommes.
Quarantes personnes mises en examen et écrouées
Pour l’heure, neuf personnes sont en garde à vue et 33 ont été mises en examen et écrouées, dont le mari de la victime, a déclaré mercredi le procureur de la République d’Avignon, Philippe Guémas, rapporte France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Les chefs de poursuite retenus par le parquet vont du “viol” et de la “complicité de viols aggravés par l’administration d’une substance de nature à altérer le discernement de la victime”, à “l’atteinte à l’intimité de la vie privée par la captation et la diffusion d’images à caractère sexuel”. Beaucoup d’hommes impliqués ont commencé par nier, évoquant un échange avec un couple échangiste libertin, avant de reconnaître les faits devant les images vidéos, selon le commissaire de la police judiciaire d’Avignon.
L’avocat de plusieurs hommes interpellés estime que ceux-ci “n’imaginaient absolument pas qu’ils allaient commettre un acte que l’on va qualifier contre eux de viol”. “Ils avaient la certitude qu’ils allaient rencontrer un couple échangiste, pensant que l’homme et la femme étaient parfaitement d’accord”, a avancé Louis-Alain Lemaire, auprès de France Bleu Vaucluse.
"Ils se sont aperçus au cours des faits qu'apparemment cette personne n'était pas consentante et que ce n'était pas un jeu. Ils ont immédiatement arrêté." -Louis-Alain Lemaire, avocat de plusieurs hommes interpellés à France Bleu Vaucluse
“Il y en a qui ont pu expliquer qu’ils pensaient que c’était un fantasme, qu’elle faisait semblant de dormir, mais il est impossible de penser qu’elle faisait semblant de dormir lorsqu’on voit les images. On voit bien qu’elle est totalement inconsciente”, rétorque de son côté l’avocate de la victime.
Béatrice Zavarro, avocate de Dominique Pélicot (CHRISTOPHE SIMON / AFP)
Dominique Pelicot s’était lui-même qualifié de « violeur »
Cette peine était attendue dans la mesure où Dominique Pelicot, 71 ans, n’a jamais caché sa responsabilité. Mi-septembre, il s’était lui-même qualifié de « violeur » et avait affirmé : « Je suis coupable de ce que j’ai fait […] J’ai tout gâché, j’ai tout perdu. Je dois payer ».
« La recherche de son plaisir se retrouve dans une volonté de soumission de son épouse, d’humiliation voire d’avilissement par ses gestes, ses paroles, de la personne qu’il chérit le plus au monde », a accusé la procureure adjointe.
Vingt ans de prison, soit la peine maximale, requis contre Dominique Pelicot
« Je suis coupable de ce que j’ai fait […] J’ai tout gâché, j’ai tout perdu. Je dois payer ».
La peine maximale requise contre Dominque Pelicot. Devant la cour criminelle du Vaucluse, les avocats généraux ont requis la peine maximale – soit 20 ans de réclusion criminelle – contre Dominique Pelicot pour ses “agissements abjects”, pour avoir drogué, violé et fait violer sa femme par des dizaines d’hommes recrutés sur internet pendant une décennie.
Deuxième peine de la journée. Le ministère public a ensuite requis 17 ans de réclusion criminelle à l’encontre de Jean-Pierre M., poursuivi non pas pour viols sur Gisèle Pelicot mais pour avoir violé et fait violer sa propre épouse, avec la complicité de Dominique Pelicot. Ce dernier lui avait fait part de sa méthode pour que Jean-Pierre M. l’applique à sa propre épouse. Au total, les deux hommes ont eu “une dizaine de rendez-vous sur une dizaine d’années”, relève l’avocat général, Jean-François Mayet, estimant que Jean-Pierre M. “avait le temps suffisant pour se rendre compte de ce qui se jouait”.
Un réquisitoire sur trois jours. “L’enjeu” du procès des viols de Mazan “est de changer fondamentalement les rapports entre hommes et femmes”, a affirmé le ministère public en ouvrant son réquisitoire. La majorité d’entre eux, poursuivis pour viols aggravés, encourent jusqu’à vingt ans de réclusion criminelle.
“On ne peut plus, en 2024, considérer que parce qu’elle n’a rien dit, c’est qu’elle était d’accord.” L’avocate générale a abordé l’essentiel des arguments avancés par les accusés, qui ont notamment affirmé ne pas avoir compris que la victime n’était pas consentante. “Il n’y avait rien d’ambigu, ni dans le contexte, ni dans l’attitude de Gisèle Pelicot, qui pouvait laisser croire à ces hommes qu’elle était d’accord pour subir ces actes sexuels dans l’état léthargique qui était le sien”, tranche Laure Chabaud. Et d’ajouter : “On ne peut plus, en 2024, considérer que parce qu’elle n’a rien dit, c’est qu’elle était d’accord.”
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