La Fin des Intrusions

Article redigé par Dr Patrick Habamenshi

Dans mon travail d’introspection visant à mieux comprendre l’architecture de mon mental et à identifier les croyances nuisibles à déconstruire—voire à abandonner—j’ai réalisé que les plus difficiles à s’en défaire sont celles inculquées par la religion. Présentées comme des vérités divines, l’interdiction de toute remise en question est l’un des murs psychologiques les plus difficiles à outrepasser.

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Il est paralysant de savoir qu’il faut abandonner certaines croyances qui ont guidé toute notre vie, qui ne nous correspondent plus mais auxquelles nous nous accrochons parce qu’elles sont profondément imbriquées dans notre identité. Plus encore, ces croyances nous ont été présentées comme les garantes morales d’une vie ayant un sens et une direction.

Lorsqu’on se décide enfin à s’en libérer, nous sommes préprogrammés pour avoir l’impression d’avoir trahi notre contrat sacré avec Dieu. C’est là l’une des plus grandes réussites de la religion : convaincre les “fidèles” que questionner les enseignements de l’église équivaut à questionner Dieu, et les culpabiliser lorsqu’ils osent quand même le faire. Des mots comme « hérésie » et « blasphème », associés à des peurs irrationnelles de damnation, sont subtilement implantés dans nos esprits dès l’enfance, nous conditionnant à réprimer notre curiosité et à étouffer nos questions, par crainte qu’elles ne soient perçues comme une rébellion ou une transgression spirituelle.

Comme beaucoup, j’ai longtemps considéré la religion comme le pivot sacré de ma vie et je craignais qu’un éloignement ne soit une erreur irrémédiable, sanctionnée par un abandon divin. Ce dilemme purement psychologique, combiné à une appréhension face aux implications morales de cette décision, rendait ma volonté de rompre ce lien encore plus difficile à concrétiser.

À cela s’ajoute l’entrelacement de la religion avec nos relations proches—famille, amis, communauté. S’éloigner de l’église signifie souvent risquer de perdre des personnes dont le lien avec la religion est plus fort que celui qu’elles entretiennent avec nous. La peur d’être rejeté, isolé ou incompris, de subir des pressions morales, ou même du chantage affectif, se combine à celle d’être damné. Tout cela peut nous retenir longtemps ou nous empêcher de rompre définitivement avec une spiritualité imposée dès la naissance.

Mais il arrive un moment où l’accumulation de questions sans réponse et de slogans vides de sens, répétés inlassablement dans nos moments de détresse, devient insoutenable. La plus grande contradiction réside dans l’exigence d’accepter une « vérité » sans la questionner, même lorsqu’elle est enveloppée de récits invérifiables et de dogmes rigides. La vérité, par nature, ne devrait-elle pas libérer nos esprits plutôt que de les enfermer dans le doute ou de réprimer notre quête d’une compréhension plus profonde ? Tout aussi troublante est la notion d’un Amour de Dieu qui exige de placer la religion au-dessus de soi-même et de ses origines, alimentant une haine de soi si profonde que l’on se sent perpétuellement étranger en tous lieux — sauf entre les quatre murs de cette même église qui nous a éloignés de notre propre culture.

Un autre aspect de la religion qui m’a toujours perturbé est la manière dont, telle qu’elle est souvent enseignée, elle peut subtilement nous conditionner à devenir égoïstes et égocentriques sous le couvert de la gratitude et de la foi. C’est le cas par exemple lorsque nous survivons à une tragédie de masse qui a coûté la vie à tant d’autres. Dans ces instances, nous sommes encouragés à interpréter notre survie comme un signe de faveur divine—Dieu nous aurait « choisis »—tout en refoulant les questions inconfortables sur ceux qui ont péri. Ce narratif nous pousse à faire taire la voix intérieure qui demande : Et eux ? Pourquoi n’ont-ils pas été choisis, eux aussi ?

Pour calmer ces interrogations et atténuer, tant bien que mal, notre complexe de survivant, nous cherchons refuge dans des doctrines qui présentent la souffrance comme une partie du plan divin, censé nous renforcer ou nous enseigner des leçons de vie, nous rassurant que jamais nous ne porterons un fardeau qui dépasse nos capacités.

Pourtant, ces questions nous hantent malgré nous : comment est-ce possible que des horreurs aussi incompréhensibles que les génocides ou les violences faites aux enfants s’inscrivent dans un quelconque plan divin ? Ou la participation ou approbation de crimes contre l’humanité par l’Eglise à travers toute son histoire ou son silence de convenance lorsqu’il s’agit de crimes commis par le clergé ? Quelles leçons pourraient justifier de telles abominations ? Et nos épaules, sont-elles vraiment capables de supporter un tel poids, ou sommes-nous écrasés sous cette charge, nos pas devenant hésitants et notre sens de la direction irrémédiablement sapé par ces expériences inhumaines ?

Ce déchirement moral entre la gratitude d’avoir survécu et les efforts surhumains que nous faisons pour accepter que nos pertes sont une manifestation de la volonté divine fausse notre baromètre, nous condamnant à une ambivalence constante face aux injustices. Et nous nous retrouvons à relayer à notre tour les mêmes slogans à chaque survivant de tragédie, tout en faisant la sourde oreille aux questions existentielles que soulèvent les ignominies dont nous sommes témoins à travers le monde.

Au lieu de nous donner les moyens de combattre les injustices et de faire face à la souffrance, la foi devient un échappatoire—un moyen d’écarter toute dissonance qui pourrait remettre en question l’image d’un Dieu omniscient tel que dépeint par la religion.

Tout comme l’agilité physique et la maturité intellectuelle, la maturité spirituelle commence lorsqu’on trouve le courage de construire ses propres croyances ou de leur permettre de se manifester, plutôt que de s’accrocher à des « vérités » que l’on sait ne jamais pouvoir pleinement embrasser. Inévitablement, on trébuche en chemin, on se blesse. Mais ces épreuves sont un petit prix à payer lorsque l’on veut mettre fin à des entraves qui étouffent notre esprit et atteindre un espace mental où toutes les questions sont permises, sans autre conséquence que celle de se libérer de la cruauté d’une vie passée à se demander quelles auraient pu être les réponses.

Abandonner mes croyances limitantes — y inclu les croyances religieuses — n’a rien enlevé à mes proches ni à l’église, même si beaucoup ont choisi de considérer ma foi comme l’objet privilégié de leur griefs personnels. Lorsque j’ai pris la décision de partir, j’étais arrivé à un point dans ma vie où mon bien-être mental exigeait que je fasse taire toutes les voix, externes et internes, qui me maintenaient prisonnier d’un cycle d’auto-sacrifice de moi-même au lieu de déranger les croyances envahissantes des autres.

Dieu n’était pas l’une de ces voix que je cherchais à faire taire—bien au contraire. Mais des années passées à vivre avec ces intrusions dans mon espace spirituel avaient étouffé Sa Voix, si bien que, bien souvent, ce n’étaient que celles des leaders religieux et des autres fidèles que j’entendais, même dans mes moments de méditation silencieuse. Le cadeau inattendu de ma décision de quitter la religion est quelque chose que je n’aurais jamais pu atteindre autrement : une connexion plus profonde avec mon Dieu. Comment ? En éliminant toutes les intrusions imposées entre mon Créateur et moi, sans mon consentement, j’ai libéré mon sanctuaire intérieur qui n’aurait jamais dû être occupé par quoi que ce soit d’autre. Dans ce sanctuaire enfin retrouvé, non seulement je pouvais enfin entendre ma propre voix, mais la voix de Dieu s’est également révélée, claire et sans obstruction.

Libéré des doutes et du manque de confiance en ma capacité à discerner le vrai du faux, entretenus par la religion, j’ai enfin pu vivre pleinement ce don divin qu’est la quête incessante d’une compréhension plus profonde de notre condition humaine. Les chaînes d’une spiritualité contrôlée et réglementée ont fait place à la puissance infinie d’une spiritualité sans limites.

Je me suis longtemps convaincu que j’étais libre simplement parce que j’avais, à maintes reprises, su tourner le dos à mes oppresseurs. Pourtant, en réexaminant le temps passé auprès d’eux, et surtout les raisons qui m’ont poussé à y rester si longtemps, j’ai compris une vérité bien plus profonde : ma libération ne sera réellement complète que lorsque je me serai totalement débarrassé de tous les doutes et automatismes insidieux qui, enfouis en moi, ont téléguidé ma vie entière, me faisant accepter l’inacceptable comme si c’était ma seule option. Ces mécanismes, que j’ai souvent remis en question mais n’ai jamais osé défier ni déraciner, m’ont finalement coûté presque tout ce que j’ai de plus précieux.

Il m’a fallu une vie entière pour arriver ici—des questions sans réponse de ma plus tendre enfance aux doutes insupportables de l’âge adulte. Pendant toutes ces années d’une foi qui se refusait d’être aveugle, mon esprit, sans que j’en sois vraiment conscient, élaborait les prémices du plan de réingénierie de mon être —un plan que je commence seulement à comprendre maintenant, après avoir achevé mon départ. Ma sortie de ce lieu qui, au fond, n’a jamais vraiment été le mien était inévitable, l’aboutissement d’un cheminement qui a commencé au moment où j’ai trouvé le courage de questionner, la détermination d’affronter les conséquences du rejet de la conformité aveugle, et l’audace de m’aventurer dans l’inconnu plutôt que de rester embourbé dans l’obscurantisme. Et une fois que j’ai franchi les portes, j’ai jeté la clé et ne me suis jamais retourné.

La réingénierie de mon être est sans doute le travail le plus important de ma vie, et il ne peut être accompli à moitié. Ma réingénierie doit être totale, intransigeante, et ne laisser aucune place à un quelconque attachement sentimental envers les fragments de mon ancien moi.

Chaque jour qui passe est une nouvelle découverte d’une vérité essentielle, celle que les voix des soi-disant intermédiaires de Dieu nous empêchent souvent d’entendre : que nous sommes nés avec la permission, la capacité et l’obligation de suivre uniquement notre propre chemin et non celui tracé pour nous par d’autres, aussi bien intentionnés soient-ils.

Notre spiritualité est une ligne directe avec notre Divin. Il nous incombe donc de choisir d’écarter—ou de garder—tout ce qui, ou ceux qui, entravent l’émergence de l’être libre que nous avons toujours été destinés à devenir.

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À propos du rédacteur

HAKIZIMANA Maurice est écrivain, éditeur,blogueur et surtout enseignant. Il écrit sur l’amour de la sagesse, l’histoire, l’actualité, le monde, la famille,la société,la religion, les relations et le divertissement. Hakizimana M. est diplômé en sciences de l’éducation et en sciences sociales, en anglais et en littérature de la Sorbonne Université-Paris.

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