La Blessure Incicatrisable : Trop douloureuse à Revisiter, Trop Précieuse pour l’Oublier

Article rédigé par Dr Patrick Habamenshi

La Blessure Incicatrisable : Trop douloureuse à Revisiter, Trop Précieuse pour l’Oublier.

Le Deuil.

Le deuil est probablement la chose que j’ai le moins de courage à explorer. Je confronte audacieusement beaucoup de mes démons, mais quand il s’agit de ce que j’appelle mes vies inachevées, le courage me manque totalement. Mais je sais que comme tous les autres traumatismes, ces blessures-là non plus ne disparaîtront jamais si je les garde tapies dans l’ombre.

Souvent, je me mens à moi-même et j’appelle mes deuils des chantiers en cours. Mais en réalité, ça ressemble plus aux proverbiaux éléphants blancs de mon ancien métier qu’à autre chose: lancés en grande pompe, puis brutalement abandonnés, faute de ressources ou d’attention. Et puis un jour, plusieurs années plus tard, je décide soudainement de les relancer. Et à chaque nouvelle reprise des travaux, je me retrouve confronté à la tâche supplémentaire de d’abord défricher les mauvaises herbes et réparer les dégâts laissés par le temps avant d’entamer le vrai travail. Voilà à quoi ressemble le deuil pour moi : quelque chose de morcelé, souvent interrompu, repris de façon inattendue, et jamais achevé.

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J’ai perdu tellement de proches qu’il m’arrive de sentir qu’une partie de moi a été enterrée avec chacun d’eux. Ces pertes, survenues alors que nous étions si jeunes, si insouciants et si inséparables, ont marqué mon cœur à jamais. Et avec la cruauté dont seul le destin a le secret, et comme si quelqu’un m’avait lancé un mauvais sort, je n’étais jamais là dans leurs derniers moments. Leur mort est indissociable dans ma mémoire des télégrammes obituaires laconiques et dénués d’émotions ou d’appels d’un parent m’annonçant qu’ils n’étaient plus. Oh, ces téléphones qui sonnent au milieu de la nuit, ces voix déchirées et déchirantes qui redisent des mots entendus trop de fois mais jamais plus faciles à accepter ! Et les multitudes de questions qu’on ne demandera jamais dans un silence qui ne prendra plus jamais fin. Un téléphone de la mort que pourtant on ne veut pas raccrocher…

Je n’avais jamais imaginé une vie sans eux ; cette pensée ne m’aurait même pas effleuré. Ces premières pertes ont verrouillé quelque chose en moi. Pas une peur de la mort, mais un refus de comprendre ce que signifiait vivre sans eux.

Un des aspects qui m’a longtemps bloqué dans mon deuil, c’était le besoin d’avoir un endroit physique où je pouvais aller les visiter. Je n’arrivais pas à leur parler si je n’étais pas là où ils sont enterrés. Certains reposent même dans des terres lointaines, dans des villages et des forêts où personne ne pourrait probablement jamais me guider, rendant ainsi le deuil presque impossible — du moins, cela a été le cas pendant très longtemps.

Ceux qui reposent dans mon pays natal, je les visitais fréquemment. Leurs tombes semblaient être le seul endroit où ils existaient encore pour moi, le seul lieu où je pouvais me connecter avec eux. Mais lorsque j’ai quitté mon pays abruptement, perdre cet accès physique m’a fait reculer encore dans mon processus de deuil. Il m’a fallu des années pour accepter que je n’avais pas besoin d’un lieu physique pour honorer leur mémoire.

En avril 2019, quelque chose a changé. Alors que les Rwandais du monde entier se remémoraient ces mois fatidiques où notre pays avait sombré dans le chaos vingt-cinq ans auparavant, je me trouvais à Dakar, au Sénégal. Comme beaucoup de matins dans ma vie, je faisais une longue marche dans la ville, sans destination précise. Je choisissais une direction au hasard et marchais pendant deux ou trois heures avant de revenir sur mes pas.

Ce jour-là, le hasard m’a conduit devant un cimetière : le Cimetière catholique Saint-Lazare de Béthanie, à Mermoz. Cela faisait plus de dix ans que je n’avais pas mis les pieds dans un cimetière, et bien qu’aucun de mes proches n’y repose, quelque chose m’a poussé à y entrer. Voici ce que j’ai écrit ce jour-là, dans un blog intitulé Sous l’Arbre Qui Frémit :

“J’ai marché en silence et puis je suis allé m’asseoir à l’ombre d’un manguier, un des arbres qui surplombent si majestueusement les sépultures de Saint-Lazare.J’ai regardé toutes ces tombes autour de moi, toutes ces tombes de gens que je ne connaissais pas. Certaines étaient récentes, d’autres plus anciennes. Certaines étaient fleuries, d’autres dénudées. Des bouquets de fleurs, témoins de visites récentes, se retrouvaient par-ci par-là. Je les ai sentis là, mes chers disparus, aussi fort que je les ai sentis durant ces années au Rwanda, alors que je me tenais sur la magnifique montagne surplombant la capitale.Je les ai sentis dans ces étrangers, leur énergie a attiré tous mes êtres chers et m’a enveloppée d’un amour tendre et attentionné. Oh, j’avais manqué cette énergie sans même réaliser qu’elle était à portée de main, ou dans ce cas-ci, à portée de mes pas.
Je n’ai pas fait la conversation avec ces morts du Sénégal, je n’aurais su quoi leur dire. Mais j’ai pris un moment de silence et me suis recueilli avec tous les Rwandais du monde et pour les morts qui n’avaient personne à leur côté quand ils sont morts, et ceux que plus personne ne visite. J’ai pleuré pour les tombes sans nom qui ont jalonné et continuent à jalonner nos chemins croisés des exils sans fin.”

Ce moment a marqué un tournant pour moi. Ce fut la dernière fois que je suis allé dans un cimetière pour leur parler. Peut-être que cette expérience, dans un lieu étranger, m’a permis de me libérer de l’idée que je ne pouvais être avec eux qu’à côté de leurs tombes.

Depuis ce jour, ils vivent autrement : dans mon cœur, dans mes souvenirs, dans les moments que nous avons partagés. Bien que la tristesse de leur départ me pèse encore, je ne réduis plus leur vie au jour de leur mort. Je m’autorise à revivre les jours heureux et, parfois, à créer de nouveaux souvenirs avec eux.

Par exemple, il m’arrive de leur parler dans ma tête, comme si j’oubliais un instant qu’ils ne sont plus là. Je vois quelque chose qui les aurait fait rire, et je me surprends à imaginer leur réaction, à échanger un fou rire dans ma tête. Les étrangers me voient sourire, un sourire de connivence avec quelqu’un qu’ils ne voient pas. Ce ne sont que des fractions de seconde, mais elles sont dépourvues de douleur. Ces instants volés à la douleur qui plane au-dessus de leurs souvenirs me rappellent combien leurs rires me manquent, combien leur présence reste vive en moi.

Mais je suis encore loin de triompher de la peur de me souvenir. Parfois, je crois avoir avancé, trouvé un équilibre, puis quelque chose me ramène en arrière : une photo partagée sur les réseaux sociaux par quelqu’un qui les connaissait, un anniversaire, une anecdote dont quelqu’un se rappelle et insiste pour me la raconter. Ces images et évocations qui surgissent de façon si inattendue me frappent comme un vent glacial qui s’engouffre dans mon nid douillet à travers une porte ouverte par effraction alors que je m’étais pourtant assuré qu’elle était bien barricadée. Mais après le choc initial, je reprends mes esprits et me rappelle que je ne suis pas seul à pleurer ces absences.

Pourtant, même avec cette rationalisation, je n’arrive pas toujours à partager les moments de deuil des autres personnes qui les connaissaient. Je me détourne, comme si je craignais d’ajouter leur douleur à la mienne.

Dans mon chemin de guérison, mon deuil continuera à rester profondément personnel et privé—non pas pour l’ignorer, mais pour apprendre à l’accepter pleinement, à le vivre sans craindre les ombres de mes propres peurs. Je veux cesser de paniquer lorsqu’il s’invite dans mes moments de distraction, de sursauter lorsqu’il me surprend, ou de m’effondrer lorsqu’il s’immisce dans ma journée sans prévenir.

Je rêve d’un deuil qui aurait la grâce des pirogues glissant audacieusement sur les fleuves sinueux de mes mille collines d’enfance, paisibles dans la brise douce, mais puissants dans les orages. J’essaie de maîtriser l’art de ne pas résister au courant. De me laisser transporter au gré de son imprévisibilité, de le laisser me guider là où il souhaite que je me rende. Je veux apprendre à laisser ses ravages derrière moi et trouver la joie dans la découverte de nouveaux rivages, honorer leurs souvenirs sans en avoir peur, sans chavirer dans le désespoir. Apprendre à laisser ce fleuve me propulser, me porter plus loin, plutôt que de les tirer avec moi dans les profondeurs de l’abîme. Et surtout—surtout—partager avec eux, à travers mes yeux, la beauté du monde qu’ils ne connaîtront jamais autrement.

Dans l’histoire de ma vie, je sais que ces pages inachevées ne seront jamais tournées. Je continuerai à les écrire, lentement, en y inscrivant tout ce que je me rappelle d’eux, tout ce qui, à travers moi, leur rend hommage. Des lignes et des paragraphes vivants, libres, traversant deux mondes sans limites ni entraves—jusqu’à ce que la mort nous réunisse à nouveau.

Dr Patrick Habamenshi

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Ce monde,

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